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La lettre du coucou

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Alors que j'avais 4ou 5 ans peut-être 7, 8 ou plus, je ne saurai le dire aujourd'hui. .. Bref, il y avait à côté de la maison familiale une grand-mère que j'appelais "mémé Germaine". Pendant de nombreuses années,à chaque printemps, Mémé Germaine m'a lu  les lettres du coucou. Je me souviens de cette répétition et de l'écho qu'y faisait chaque chant de coucou.

 

Elle cueillait une feuille d'orchis tacheté (ou d'une variété d'orchis à grande fleur violette et feuille tachetée qui poussait en Limousin) et lorsque je passais devant sa porte, elle me disait " Viens voir Mireille,  le coucou t'a écrit aujourd'hui, tu veux que je lise ta lettre?"

 

Bien sûr j'accourrais totalement subjuguée par cette énigme. Comment le coucou pouvait-il écrire sur ces feuilles? Comment me connaissait-il? A cette question elle savait répondre finement "tu sais, de là haut il voit beaucoup de chose et je crois aussi que le Bon Dieu lui parle de toi!". Je me souviens qu'alors, immanquablement, je regardais vers le ciel cherchant le Bon Dieu et le coucou, ne me sentant guère à l'abri d'un regard aussi perçant. Car, il faut le dire, les lettres du coucou étaient surtout des missives sur lesquelles étaient commentées toutes mes dernières petites aventures du quotidien et bien sûr pas les meilleures...

 

Mémé Germaine, petite femme toute ronde, aux cheveux d'un blanc éclatant, ne me faisait pas de cadeaux. Plus exactement, elle  soutenait les efforts éducatifs de ma  mère, soit pour me faire manger ma viande, soit pour que je me dispute moins avec mon frère plus jeune. Il est pourtant arrivé que j'ai droit à un encouragement , mais les occasions étaient vraiemnt rares.

 

C'est avec une apparente grande concentration, pimentée d' hésitations dues aux difficulté de déchiffrage,qu' elle lisait LA feuille qui m'était destinée et qu'elle sortait de la poche de son tablier. Mémé Germaine précisait toujours qu' elle était allée la chercher au petit matin, dans la rosée. Le contenu ne variait pas beaucoup: "petite... Mireille..., je... serais... bien .......content ...que ...tu... finisses... ta....... viande ...si... tu ...veux ........grandir..." ou bien " Ma petite Mireille, je vois quand tu te disputes avec ton frère et  c'est pas bien, je te fais un coucou pour que tu t'arrêtes mais tu n'écoutes pas...j'espère que la prochaine fois que je t'écrirai, je pourrai mettre des belles choses!"

 

Chaque fois c'était le même mystère et ma mère souriait et me disait "tu entends ce que dit le coucou? Il faudra l'écouter sinon il ne t'écrira  plus!"...

 

Malgré cela, c'est pendant des années que j'ai couru voir Mémé Germaine sitôt que j'entendais le coucou. Je l'interpelais " Mémé Germaine, Mémé Germaine, le coucou, il m'a écrit?"

A cela la réponse invariable:

- Je ne sais pas j'irai voir demain matin

Quand j'étais un peu plus grande j'osais lui dire:

- et maintenant tu ne peux pas y aller? Tu ne veux pas me montrer où tu les trouves? Je voudrais apprendre à les lire, ses lettres."

 

A la première question elle répondait  " Tu sais bien que c'est avec la rosée qu'il faut les ramasser et tu n'es pas levée quand j'y vais" Aux  2 autres questions elle argumentait que plus tard bien sûr... ça viendrait tout seul.

 

Je ne sais plus, ni quand, ni comment s'est arrêtée la lecture des lettres du coucou... Mais ce que je sais, c'est que le coucou a continué à écrire stoïque et intemporel. Et à mon tour, ces lettres, je les ai lues à mes enfants et à mes petits élèves du CE1. Dès que j'apercevais quelques orchis en fleur (je savais à peu près où en trouver) nous sortions de la ville  un après midi, à la recherche des lettres du coucou.

 

J'y mettais autant de mystère que Mémé Germaine, je leur demandais de me laisser vérifier à qui elle était destinée avant de la cueillir profitant de l'occasion pour les sensibiliser au "prendre soin de la nature" et je déchiffrais les encouragements personnels propres à chacun. Chaque fois le regard des enfants était magnifiques, les questions étaient les mêmes que les miennes... j'apportais quelques variantes dans les réponses. Par exemple : " il n'y a que quelques grandes personnes qui savent lire les lettres du coucou. Elles sont très très rares, vous avez beaucoup de chance que votre maitresse sache le faire!(petit péché d'orgueil...) Si vous en parlez à vos parents, vous verrez, seulement quelques uns sauront  les déchiffrer et ...je suis persuadée qu'ils ne seront pas nombreux. Il y en a même qui ne les connaîtront pas. Quant à vous, si vous voulez, le jour de vos 14 ans vous viendrez me voir et je vous apprendrai".

 

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Epilogue1: Un ancien élève est un jour arrivé dans la classe en me disant "Bonjour madame, j'ai 14 ans et je viens vous voir pour les lettres du coucou... hein que vous avez tout inventé?

-- Sais-tu les lire?

-- Je ne sais pas, j'ai pas essayé.

-- Alors va essayer, je crois que tu sauras..."

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Epilogue2: Je n'aborde que sur le fond les hurlements d'un autre parent qui trouvait que l'école n'était  pas faite pour des niaiseries...

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Epilogue3: Tous les anciens élèves que j'ai retrouvés et  avec qui nous avons lu les lettres du coucou s'en souviennent. Ils en parlent avec de la douceur dans les yeux. J'espère qu'ils vont encore et encore en lire à leurs enfants et petits enfants....

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Epilogue 4: Aujourd'hui j'attends mon premier petit enfant, j'espère pouvoir, un jour, lui lire les lettres du coucou...

Maribambel

 

 

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28/12/2013
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